Ils ont été privés de ce qui fait le cœur de leur mission : l’organisation de compétitions. Comment les 11 comités qui composent la Ligue Auvergne Rhône-Alpes ont ils vécu cette période ? Comment se projettent ils vers la suite ? Au tour de Patrick Penichon, président du comité de Haute-Savoie, de partager son expérience, ses doutes et ses projets…
>> Quelle est la situation du comité actuellement ?
Normalement c’est une période où on est sur la brèche. Là on est contraints et forcés de ne rien faire. Mais bon, il y a des impératifs sanitaires prioritaires. Notre unique salarié Benjamin est passé en télétravail. Il suit sa formation DEJEPS à distance et prépare l’avenir. On n’a jamais été autant en avance sur nos projets (rires). Nos actions en milieu scolaire sont en suspens. Nous avions rencontré des difficultés pour trouver des stades pour nos compétitions estivales, que nous avons dû annuler ! Ce n’est que partie remise et encore merci aux clubs supports d’Annecy et Thonon. Par ailleurs, il ne faut pas oublier de préciser le rôle important et constant de la Ligue, par ses communiqués et initiatives, tout comme la FFA, qui ont apporté des réponses ponctuelles depuis le début de cette crise sanitaire.
>> Conséquence directe de la pandémie, la plupart des courses hors stade prévues ce printemps/cet été ont été annulées….
Du printemps à l’automne, il y a une soixantaine d’organisations en Haute Savoie, nous sommes un département très axé outdoor. À 75%, tous les organisateurs ont donné rendez-vous en 2021. Ils ont pris leurs responsabilités, ont fait preuve de raison et je les en remercie. Ce sera un manque, un casse-tête pour les clubs en termes financiers mais aussi en matière de convivialité. Gageons que cela n’entachera pas l’ardeur des participants, ni les bons rapports avec les collectivités et leur compréhension.
« Les dirigeants sont avant tout des citoyens »
>> Et vos clubs, comment se portent-ils ?
Ils sont impactés directement, leur vie quotidienne a été complètement chamboulée. Ils ont mis en place beaucoup d’actions pendant le confinement, je trouve ça très bien ! C’est compliqué, mais les dirigeants sont avant tout des citoyens, des parents, des grands-parents, ils comprennent et relativisent. La plupart des clubs sont déjà projetés sur la saison 2020/2021. Ils attendent le feu vert pour redémarrer, ils en ont envie. C’est vraiment la priorité, la reprise des entraînements. Pour retrouver un bon moral, de l’enthousiasme. Puis on préparera la rentrée de septembre. Dans quelles conditions ? Ça dépendra de l’environnement. Ce ne sera pas simple, certains vont être face à de vrais casse-têtes. On sera là pour les accompagner. Le problème sanitaire ne s’arrête pas le 11 mai, il va falloir qu’on vive avec.
« Dans l’athlé, on est habitué à faire de grandes choses avec peu de moyens »
>> Financièrement, faut- il redouter des conséquences pour les clubs ?
Deux clubs nous ont fait remonter des inquiétudes sur le plan financier. Il y a Annecy, qui compte beaucoup sur l’organisation de ses courses hors stade, repoussées en septembre. Et Saint-Julien-en-Genevois, qui se pose des questions car certains de ses athlètes étaient sélectionnés ou qualifiés pour les compétitions internationales de l’année et se retrouvent en difficultés financières. Cinq clubs du département ont des salariés, mais grâce aux mesures d’aides annoncées sur le plan national, ils ont pu affronter cet épisode. Beaucoup auront des répercutions, mais annexes. Financièrement ce passage laissera des traces, toutefois moins que dans d’autres sports. Heureusement, notre sport n’est pas tombé dans les travers de certaines disciplines. Dans l’athlé, on est habitué à faire de grandes choses avec peu de moyens… C’est peut-être ce qui nous permettra de sortir plus vite la tête de l’eau. Nous sommes par ailleurs dans l’attente d’un retour favorable et conséquent financièrement concernant l’ANS (Agence Nationale du Sport, ndlr) pour soutenir nos projets dans le cadre du PSF 2020 (projet sportif fédéral), tant pour notre structure départementale que pour les clubs, car les lendemains vont être complexes à gérer.
>> Autre problématique à prendre en compte, la protection des juges…
Oui, ils sont inquiets. Certains m’ont dit qu’ils ne reprendront pas ou alors pas avant un moment. Cela se comprend, s’ils sont âgés ils ne veulent pas se mettre en danger/mettre les jeunes autour d’eux en danger. Il y a beaucoup de questionnement de leur part. C’est une problématique qui va se poser pour l’organisation des prochaines compétitions, ça va générer sans doute une nouvelle formulation de nos organisations.
Le sport à l’école comme levier pour retrouver de la vitalité ?
>> De votre côté, que pouvez-vous concrètement espérer organiser dans les prochaines semaines ?
Dans un premier temps, afin de préparer l’avenir, nous avons acheté des masques jetables et de la solution hydroalcoolique en quantité, pour nous prémunir. On va faire des propositions de regroupements pour les benjamins/minimes, par secteurs géographiques pour éviter les déplacements, en rassemblant à chaque fois seulement deux ou trois clubs. Mais pour ça, il faudra qu’on ait un accès aux stades, ce n’est pas gagné pour l’instant. Les collectivités ont été claires, la réouverture des équipements sportifs ce n’est pas leur priorité. Dès que ce sera possible, nous avons prévu trois modules pour les dirigeants, par petits groupes. Il s’agira de moments d’échange, de prise de confiance pour aller de l’avant, sans précipitation. Restons très vigilants !
>> Quels leviers pourrait-on utiliser pour aller de l’avant, justement ?
Je suis un fervent partisan du sport à l’école. Nous sommes actuellement sous convention avec deux collèges du département, on travaille aussi avec l’USEP. Ce sera reconduit, les contacts ont été maintenus. Cet épisode pourrait faire prendre conscience que le sport à l’école, c’est important ! On peut imaginer impliquer davantage les clubs, ce serait une manière de retrouver de la vitalité. Rien de bien nouveau d’ailleurs puisque la FFA a signé des conventions avec le milieu scolaire. Dans cet optique notre référent a proposé une activité aux deux structures départementales (Unss et Ugsel) sous forme d’un « challenge vitesse », qui permettra aux jeunes dans certains établissements de se confronter à la performance. Nos partenaires sont volontaires, c’est un défi, nous avons du pain sur la planche et nous en verrons les effets début septembre.
Jessica Bissay (crédit photos : Comité de Haute Savoie)