Michel Jazy est décédé ce jeudi 1er février à Dax à l’âge de 87 ans. Vice-champion olympique du 1500 m à Rome en 1960 et détenteur de nombreux records du monde, il était une légende de l’athlétisme.
Neuf records du monde (dont sept en individuel), seize d’Europe, une médaille d’argent olympique, trente-deux records de France, douze titres nationaux. Ces chiffres et ce palmarès, aussi grandioses soient-ils, ne suffisent pas à résumer Michel Jazy. Si le demi-fondeur est devenu une légende de l’athlétisme et plus largement du sport hexagonal, c’est aussi par tout ce qu’il incarnait, à commencer par l’élégance naturelle de sa foulée, comme s’il avait été touché par la grâce, ce qui lui vaudra l’appellation d’ange de la piste. Une beauté qu’il faudra d’abord imaginer, à une époque où la radio permettait de vivre les grands événements en direct, avant de l’observer grâce à la démocratisation progressive de la télévision, où les exploits du demi-fondeur seront suivis par des millions de Français et provoqueront un énorme engouement.
Michel Jazy, c’était aussi un pan de l’histoire de la France et des Français au XXe siècle. Celle d’un enfant né en 1936 à Oignies, fils de parents polonais – un père mineur qui décèdera à seulement 43 ans, tué par la silicose, et une mère employée dans une brasserie lilloise – et naturalisé en 1956, qui deviendra un immense champion grâce à un mélange unique d’abnégation et de talent. C’est à Paris qu’il débute l’athlétisme dans la catégorie cadets, après un déménagement familial.
La plus belle ligne de son palmarès international, Michel Jazy, devenu typographe au journal L’Equipe qui souhaitait le soutenir, l’écrit en 1960 aux Jeux olympiques de Rome. Il décroche la médaille d’argent sur 1500 m en 3’38’’4, nouveau record de France, derrière l’intouchable Australien Herb Elliott (3’35’’6, record du monde). A 24 ans, l’athlète phare du CA Montreuil, le club de sa vie même s’il avait d’abord porté brièvement les couleurs du CO Billancourt à ses débuts, ne rêve plus que de titre olympique, à une époque où les championnats du monde n’existent pas. Une récompense suprême qu’il ne décrochera jamais.
Au pied du podium à Tokyo
Champion d’Europe du 1500 m en 1962 à Belgrade, auteur de ses premiers records du monde la même année, il vise l’or sur la même distance et sur 5000 m, deux ans plus tard à Tokyo. Mais le programme le contraint de choisir entre les deux épreuves. Il choisit la plus longue. La nuit précédant la finale, il pleut, Jazy a un mauvais pressentiment. Il porte son attaque à un tour de l’arrivée mais coince dans la dernière ligne droite. L’Américain Robert Schul (sacré en 13’48’’8) le dépasse, tout comme deux autres concurrents. Il termine au pied du podium en 13’49’’8. C’est une désillusion qui, paradoxalement, renforce sa légende. Sa tristesse est partagée par les Français, qui continuent à l’aduler. Il leur rendra bien cet amour en 1965, l’année bénie, avec des records du monde sur le mile (3’53’’6), le 2 miles (8’22’’6) et le 3000 m (7’49’’00). Un an plus tard, il termine sa carrière en apothéose, avec une nouvelle meilleure marque mondiale de tous les temps sur 2000 m, sur la piste mythique de Saint-Maur.
Sélectionné à 59 reprises en équipe de France A, il vivait une retraite heureuse à Hossegor depuis de longues années, après avoir travaillé entre autres pour la société Perrier, le Coq sportif et adidas, avant de conclure son parcours professionnel comme administrateur du Parc des Princes.
« La famille de l’athlétisme est en deuil, a réagi André Giraud, président de la FFA. Avec le décès de Michel Jazy, nous perdons une légende de notre sport. Par ses résultats, son élégance, son talent et son sens de l’effort, il aura transmis à des millions de Français de magnifiques émotions. A titre plus personnel, Michel était un ami, qui avait d’abord été pour moi un modèle lorsque j’avais débuté l’athlétisme. J’adresse, au nom de la Fédération Française d’Athlétisme, mes condoléances les plus sincères à sa femme Monique ainsi qu’à tous ses proches. »
La rédaction